Développement durable

Vos déchets sont des ressources

Julien Brun / Publié le 05:43 11.05.2023


Ses camions sillonnent nos routes depuis tellement longtemps que c’est comme si Lamesch faisait partie du paysage luxembourgeois. Mais connaît-on réellement ses activités qui sont au service de l’économie circulaire depuis plus de 60 ans? Yves Feuillen, nouveau CEO de PreZero Lamesch, nous fait la visite et revient sur les défis actuels et à venir.

Depuis le 1er janvier 2023, vous avez pris la direction de PreZero Lamesch ; comment pourrions-nous vous présenter?

Dans la mesure où je vais bientôt fêter mes 31 ans de maison, on pourrait commencer par dire que je fais partie des anciens de l’entreprise (rires). Fraîchement diplômé Ingénieur chimiste, j'ai débuté au service des déchets dangereux pour ensuite devenir responsable de la partie opérationnelle pendant une vingtaine d'années. En 2023, j’ai succédé à Alain Jacob au poste de directeur général.

J’aime à penser qu’un CEO se doit d’avoir une vision et des objectifs clairs. Il doit les partager avec ses collaborateurs, tout en accordant confiance et autonomie.

“La réutilisation est le chaînon manquant qui forme l’économie circulaire.”

Yves Feuillen, CEO de PreZero Lamesch

En quoi le groupe PreZero, auquel vous appartenez depuis deux ans, est-il une force pour Lamesch?

PreZero est un des leaders mondiaux dans les métiers de l’économie circulaire et représente 30 000 personnes répartis dans 475 sites à travers 11 pays. Je dirais donc que c’est d’abord une porte ouverte sur l’international.

Lui-même fait partie du groupe Schwarz (550 000 personnes dans le monde) à qui appartient les magasins Lidl et Kaufland. L’une des missions de PreZero est de recycler les emballages des magasins du groupe, de boucler la boucle. Schwarz est donc l'unique groupe dans le monde, capable de produire des emballages, de les collecter, de les recycler pour les remettre ensuite sur le marché.

C’est, en outre, un groupe très innovant et notamment dans la création de nouveaux matériaux. Je pense, tout particulièrement à “OutNature”, une solution d’emballage dans le commerce et l'industrie à base de fibres de silphium.

Lamesch peut ainsi bénéficier de synergies importantes et préparer l’avenir au travers de nouvelles façons de penser.

“Les déchets collectés deviennent des ressources, c’est ce qui fait de nous un acteur de l'économie circulaire.”

Yves Feuillen

Quel est le rôle de PreZero Lamesch au sein de l’économie circulaire?

On sait que l’urgence climatique oblige une sortie de l’économie linéaire (produire - utiliser - jeter). La réutilisation est le chaînon manquant qui forme l’économie circulaire. Le déchet, anciennement jeté, doit donc être recyclé, et si le recyclage n’est pas possible, valorisé ou éliminé.

C'est ici que nous intervenons puisque notre rôle est de collecter, trier et préparer les déchets pour ensuite les acheminer vers des lieux de recyclage.

Les déchets collectés deviennent des ressources, c’est ce qui fait de nous un acteur de l'économie circulaire.

Quelles sont vos différentes activités ?

Nous avons 4 grands pôles que sont la logistique, l’assainissement, les déchets non dangereux et les déchets dangereux.

La logistique comprend tout ce qui relève de la collecte, ici au Luxembourg; plus de 200 véhicules acheminent par exemple les déchets résiduels, organiques ou de chantier vers nos différents sites.

L'assainissement s’occupe du contrôle, du nettoyage et de la réparation des canalisations. Grâce à des caméras, nous pouvons par exemple inspecter l’état des conduites et le chemisage nous permet de les réparer sans travaux de tranchée.

Ce que nous collectons le plus sont les déchets non dangereux, verre, papier, carton, bois, déchets électroniques, plastiques, ... Pour rappel, le verre et le métal sont recyclables à l'infini; il en va donc de la préservation des ressources naturelles et d’une réduction des émissions de CO2. Pour ce qui est du papier, il peut se recycler une dizaine de fois, économisant ainsi 70% d'eau et 60% d'énergie.

Enfin, ici au Luxembourg, les déchets dangereux sont pris en charge par un traitement physico-chimique. Il peut s’agir d’émulsions contenant des métaux (cuivre, zinc…), des acides ou encore du cyanure par exemple. Les autres déchets dangereux sont acheminés à l’étranger pour traitement en centre agréé.

Comment prenez-vous en charge les déchets électroniques?

Dans beaucoup de pays, ces déchets sont broyés pour en extraire les matières. Au Luxembourg, c'est presque l'inverse. Nous réalisons une dépollution manuelle de manière à séparer les matières nobles et les matières dangereuses. Les fractions démontées sont ensuite envoyées vers les usines de recyclage et les matières polluantes vers des centres de traitement agréés.

Et pour ce qui est du bois?

Le bois est broyé ici à Bettembourg. Le bois non traité est envoyé vers des usines pour fabriquer des panneaux de particules. Le bois traité est utilisé comme combustible alternatif dans une centrale de trigénération essentiellement à Roost.

“l’automatisation peut alléger le travail éprouvant pour les corps et apporter une aide précieuse aux personnes.”

Yves Feuillen

Les lignes de traitement connaissent une importante automatisation; pensez-vous qu’elles sauront un jour se passer de la présence humaine?

Même une ligne entièrement automatisée nécessite une présence humaine; ne serait-ce pour sa maintenance. Et puis, rien ne remplace l'œil humain dans la vérification de la qualité.

Je pense en revanche que l’automatisation peut alléger ce travail éprouvant pour les corps et apporter une aide précieuse aux personnes.

L’électrique est-elle une solution pour votre flotte de 260 camions?

Non, elle n’est pas réellement adaptée pour une flotte aussi importante. Ce n’est pas tant l’autonomie qui poserait problème mais l’infrastructure nécessaire pour recharger les batteries. C’est pourquoi, en collaboration avec le groupe, nous pensons plutôt aux carburants alternatifs tels que les bio-carburants ou l’hydrogène par exemple.

Le principal frein à l’hydrogène reste le prix; ce genre de véhicule coûte en général cinq fois plus cher qu’un camion classique. Et contrairement à l’Allemagne où 80% du surplus est subventionné, il n’existe aucune aide ici au Luxembourg.

Nous électrifions néanmoins notre parc de véhicules légers; nous en avons pour l’heure cinq mais une dizaine sont déjà en commande.

“une usine de tri ultra moderne qui permettra d’augmenter significativement la quantité de déchets traités… une réponse logique à la croissance démographique du pays.”

Yves Feuillen

Quels sont vos grands projets?

Nous travaillons actuellement à la digitalisation de nos processus avec l'objectif de nous passer totalement du papier. C’est là une occasion de renforcer, plus encore, la satisfaction de nos clients qui reste une priorité absolue.

Ensuite, dans le souci de diminuer notre propre empreinte carbone, nous allons installer des panneaux photovoltaïques sur les bâtiments de Bettembourg. Ce qui n’est pas une mince affaire dans la mesure où les bâtiments datent un peu et nécessitent un renforcement des structures. Bien évidemment nos autres sites (Holzthum, Itzig) en bénéficient déjà.

Enfin, notre grand projet est l’extension du quartier général de Bettembourg. Nous aimerions doubler sa surface pour y implanter une usine de tri qui bénéficierait des meilleures technologies en la matière. Cette usine, ultra moderne, peut-être même la plus moderne d’Europe, permettra d’augmenter significativement la quantité de déchets recyclés mais également la qualité des ressources produites. Elle est, en somme, une réponse logique à la croissance démographique du pays.

PreZero Lamesch c’est:

● 61 ans d'existence,

● 650 personnes,

● 260 camions,

● 4 sites à Bettembourg, Holzthum, Itzig et Luxembourg-Ville,

● 230 000 tonnes de déchets recyclables par an.