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Votre entreprise, elle se protège !

Laurent / Publié le 19:51 16.06.2022 | 03 min


Tout entrepreneur doit protéger son activité : images, marques, droits d’auteur, logos, inventions, modèles, etc… Pour cela, certaines démarches doivent être réalisées afin d’enregistrer les droits de propriété intellectuelle correspondants. La garantie fournie par chaque enregistrement lui évitera bien des soucis. Au Luxembourg, le cabinet Marks & Clerk conseille à tous les niveaux de la propriété intellectuelle et industrielle (PI). Avec Stéphane Ambrosini, Senior Associate, on découvre ce domaine encore trop peu connu et souvent complexe pour les entrepreneurs.

Pouvez-vous présenter votre entreprise ?

Nous sommes un cabinet de mandataires en brevets et marques, établi au Grand-Duché de Luxembourg depuis 1990. En ce temps, notre équipe de conseils en brevets, de conseils en marques en PI a aidé des milliers d'entreprises du monde entier à protéger, faire respecter et maximiser la valeur de leur propriété intellectuelle, tant au Luxembourg que plus globalement. Sécuriser des droits de propriété intellectuelle, en particulier de brevets, est un processus complexe. Nous aidons donc les innovateurs à capturer, protéger et valoriser leurs inventions et, et le cas échéant, les défendre. L’expertise de nos spécialistes et la qualité de nos procédures nous permettent de concevoir des stratégies de dépôt et de gestion des actifs PI sur mesure pour nos clients, en pleine considération des démarches officielles complexes liées aux dépôts de brevets, marques et modèles, qui varient elles-mêmes d’un pays à l'autre.

Quels sont les principaux secteurs d’activité qui vous sollicitent ?

En ce qui concerne nos services “brevet”, notre expertise technique, indispensable à la compréhension des projets de nos clients, à la rédaction de brevets et à leur gestion auprès des offices, s'étend aux technologies digitales, aux sciences de la vie, à l’ingénierie mécanique, électrique et électronique, et bien d’autres encore. Les secteurs d’activité qui nous sollicitent sont donc très variés, dans la mesure où tout secteur usant de technologies génère de l’innovation. Nous prestons régulièrement nos services, localement, aux établissements de recherche institutionnels tels que des universités et leurs équivalents ; aux structures particulièrement actives dans le secteur digital, telles certaines startups, Fintech, Regtech, Greentech, Spacetech et de réalité augmentée ; et à des acteurs Luxembourgeois établis, dont la force commerciale repose sur la supériorité technologique de leur produits, régulièrement améliorés par leurs efforts de recherche-développement. Nous intervenons tout autant pour des déposants étrangers, européens et autres, désireux d’obtenir des droits de brevets Luxembourgeois, Européens et nationaux parmi les 38 pays-membres de la Convention sur le Brevet Européen.

Brevet, modèle, droit d’auteur, image, marque, contrefaçon, plagiat…quel terme utiliser si on veut protéger son invention ?

Le brevet se rapporte toujours à un développement technique, ou « comment les choses marchent ». Le modèle se rapporte à l’aspect visuel d’objets, et moins typiquement mais tout aussi validement, de pictogrammes, polices de caractères, logos et même d’interfaces usager et sites Internet, ou « quelle apparence ont les choses”. La marque se rapporte quant à elle à l’identité commerciale unique de la société, du produit pour du service, ou « comment s’appellent les choses ». Les droits d’auteur sont, pour simplifier, “tout ce qu’il reste après ça”, sans oublier cependant les secrets commerciaux, qui sont typiquement un savoir-faire et/ou des données confidentielles intrinsèques à l’activité commerciale. En termes de définitions toujours, le ‘plagiat’ est un terme propre au monde littéraire, s’agissant d’une copie à l’identique d’une œuvre protégée par droits d’auteur. Une ‘contrefaçon’ va désigner des actes qui enfreignent des droits exclusifs accordés par un brevet, une marque ou un modèle. Toute structure, peu importe son objet commercial, possède une propriété intellectuelle ou industrielle, souvent diverse et multiple, dès qu’elle souhaite commercialiser un produit ou service.

L’entrepreneur doit donc être attentif lors de la création de son entreprise… Il ou elle doit veiller à ce qu’il n’y ait aucune confusion possible avec une marque, un logo ou une autre forme d’identité commerciale existant déjà sur son marché.

L’entrepreneur doit donc être attentif lors de la création de son entreprise…

Il ou elle doit veiller à ce qu’il n’y ait aucune confusion possible avec une marque, un logo ou une autre forme d’identité commerciale existant déjà sur son marché. J’ai malheureusement été confronté à ce cas de figure plusieurs fois dans ma carrière, comme beaucoup de confrères j’en suis sûr. Typiquement, des porteurs de projet qui choisissent une identité thématique et souvent visuelle, investissent beaucoup d’argent dans la recherche et développement de leur image commerciale, et reçoivent un jour une lettre de mise en demeure. Ils se rendent alors compte qu’ils ont choisi le nom de leur société, et/ou de leur produit, sans aucune vérification. Je ne vous cache pas que la perte financière est souvent non-triviale. D’où l’importance de faire appel à nos services pour des vérifications préliminaires. Cela fait partie de nos missions.

Comment protéger son dessin ou modèle ?

Les types de droits de propriété intellectuelle et industrielle sont divisés en deux catégories : les droits enregistrés et les droits automatiques. Ces derniers incluent les droits d’auteurs et les modèles et dessins non-enregistrés, qui existent de façon automatique au niveau communautaire et pour lesquels aucune formalité d’enregistrement n'est nécessaire. Cependant, en cas de conflit, il faudra démonter la propriété du modèle, que le droit n’a pas expiré, et que ce modèle a été copié par le contrefaisant (un test bien plus exigeant que ‘les modèles se ressemblent à l’identique’). Cela peut s’avérer assez difficile, voire impossible lorsque la chaîne de propriété n’a jamais été vérifiée et révèle des surprises désagréables. Les modèles enregistrés sont, au contraire, déposés et délivrés par des offices publics nationaux ou régionaux, comme le modèle Benelux et le modèle enregistré Communautaire. L’enregistrement définit clairement l’étendue de la protection, renverse la charge de la preuve sur le contrefaisant en cas de litige et, si le dépôt est accompli par un mandataire, la bonne propriété du modèle par le titulaire devrait normalement être investiguée et, si besoin, perfectionnée avant dépôt.

Que puis-je faire avec un dessin ou modèle ?

Pour qu’un enregistrement soit valide, le dessin ou modèle doit être nouveau et présenter un caractère individuel. Un dessin n’est pas nouveau, s’il a déjà été publié quelque part dans le monde, sauf s’il n’a pas été raisonnablement possible pour le désigner dans l’espace économique européen, d’en avoir connaissance jusqu’alors. Sujet a cette validité, vous obtenez des droits exclusifs d’une durée maximale de 25 ans, aptes à prévenir la copie, l’utilisation, l’importation ou la mise à disposition d’autrui tout produit incorporant votre dessin ou modèle, dans la ou chaque juridiction dans laquelle il est enregistré. Chez nous, un dessin ou modèle enregistré au Benelux sera protégé au Luxembourg, en Belgique et aux Pays-Bas. Un dessin ou modèle communautaire enregistré couvre les 27 pays de l’Union européenne. Pour bénéficier d’une protection équivalente dans d’autres pays, il faut accomplir un ou plusieurs dépôts distincts. Que faire si j’ai déjà rendu mon dessin ou modèle public ? Venir nous trouver (rires). Dans l’UE, suite à divulgation, le créateur du dessin ou modèle dispose d’un délai de « grâce » de 12 mois avant dépôt. Cependant, cette période de grâce ne fournit aucun recours en cas de divulgation d’un dessin ou modèle similaire par un tiers entre votre divulgation et un dépôt et, en rapport à des dépôts équivalents à l’étranger, n’existe pas dans tous les pays.

Comment obtenir un brevet ?

Le brevet accorde au titulaire la propriété d’une invention. Il permet à l’entreprise de capturer le savoir-faire et le progrès technique produit par sa force vive au fur et à mesure de l’accomplissement de leur mission salariale, et de le cristalliser dans un ou plusieurs actifs intangibles, gardant bien à l’esprit qu’un brevet ne peut protéger qu’une seule invention à la fois. En conséquence, vous vous octroyez le droit d’interdire les autres concurrents de copier, utiliser, importer ou mettre à disposition d’autrui votre technologie, produit, procédé dans chaque juridiction où il a été breveté ; mais aussi, et réciproquement, le droit de permettre à des tiers d’accomplir ces actes sous conditions, définies dans une licence d’exploitation, pour générer un revenu et épauler votre développement commercial. En pratique, il faut consulter un mandataire, préférablement lorsqu’un effort de recherche-développement commence à aboutir, pour identifier la ou les invention(s), conduire des recherches d’antériorité, rédiger un brevet et effectuer un dépôt prioritaire. L’Office cherchera ensuite si cette invention est nouvelle, inventive et capable d’exécution. Si tout est bon, l’Office publiera et délivrera le brevet et l’entreprise sera protégée. Un brevet procure sa protection dans la seule juridiction qui le délivre : par exemple, le brevet européen devient un ensemble de brevets nationaux délivrés. La séquence de dépôt, suivi de recherche, examen au mérite et éventuellement délivrance, est identique dans la majorité des pays.

Quand peut-on breveter son produit ou procédé ?

La règle première est de considérer l’opportunité de breveter et, suivant le mérite commercial de la chose, déposer son premier brevet, impérativement avant de révéler l’invention au public, par exemple en la présentant ou en commercialisant un produit ou service la mettant en œuvre. Ce test légal dit de « nouveauté », est incompressible, incontournable et, en cas de révélation publique de l’invention avant dépôt, fatal : investir dans un dépôt de brevet dans ce dernier cas de figure n’a aucune utilité, puisque les droits de brevet -s’ils étaient tout de même octroyés par méconnaissance de la révélation anticipée- seraient invalides et attaquables en révocation par tout concurrent indisposé par ces droits. Un dépôt doit donc intervenir relativement tôt, typiquement lorsqu’un développement technique est suffisamment avancé pour pouvoir le décrire avec suffisamment de détail et de certitude quant à son fonctionnement ou ses effets, afin de permettre sa reproduction indépendante, ce qui constitue une divulgation suffisante. A ce titre, il n’y a pas besoin d’attendre d’avoir le prototype d’une invention pour déposer un brevet, du moment que sa mise en œuvre, telle que décrite dans le brevet, fonctionne comme annoncé.

Au Luxembourg, combien de personnes ou de sociétés déposent une demande de brevet ?

Je n’ai pas les chiffres exacts, mais on devrait avoisiner 1.200 dépôts nationaux en 2020, dont bien moins de la moitié par des titulaires résidents. Si c’est beaucoup ? Non. Tant pour les avantages commerciaux concrets qu’ils procurent, que pour leur usage fréquent dans des structures d’optimisation fiscale, et par comparaison avec l’ampleur du bruit médiatique autour de « l’innovation » au Grand-Duché, cela demeure faible. Les brevets Luxembourgeois issus de la validation de brevets européens sont beaucoup plus nombreux, de l’ordre de 1.800 environ en 2020, mais leurs titulaires sont en très grande majorité étrangers, avec peu ou prou d’intérêts commerciaux au Grand-Duché.

Combien coûte un brevet ?

Ce n’est pas facile de donner une réponse précise et généralisée. Disons que cela peut osciller de 5.000 à 13.000 euros, selon la technologie, la complexité de l’invention et la juridiction de dépôt, hormis toute procédure d’opposition. Quant à la durée pour l'obtention, cela peut prendre de 7 mois pour un brevet luxembourgeois à court terme sans recherche, à 2 ou 3 ans pour un brevet européen ou américain, voire davantage en Chine et dans des pays ou la PI est moins souvent pratiquée historiquement, par exemple le Brésil.

Vous nous dites aussi que le Luxembourg est compétitif en matière de dépôt de brevet. C’est-à-dire ?

Oui, exactement. Le Grand-Duché est, avec la Hollande, l’une des seules juridictions où l'on peut déposer son brevet en langue anglaise et qui fera l'objet d’une recherche officielle par l’Office Européen des Brevets (‘OEB’), qualitativement l’une des meilleures recherches disponibles actuellement. La procédure luxembourgeoise est cependant plus simple et moins onéreuse. Même avec l’accroissement prochain des taxes officielles de dépôt et de recherche au Luxembourg, cet avantage compétitif demeure, car le rapport de recherche préparé par l’OEB pour le compte de l’Office Luxembourgeois permet d’informer le déposant au mieux sur ses choix d’extension géographique du brevet initial, et fournit des opportunités d’économies de coût de gestion, le fascicule en anglais pouvant par ailleurs être redéposé soit tel quel, soit légèrement modifié pour tenir compte des résultats de la recherche OEB, auprès de toutes juridictions dont l’anglais est une langue officielle, dont les Etats-Unis et l’OEB lui- même pour un brevet européen.

Qui peut venir vous trouver et être conseillé ?

Tout le monde, dans la mesure où répondre aux missions qui nous sont confiées, ne crée pas de conflit d’intérêt avec nos clients existant. Par exemple, si je m’occupe d’un brevet pour le LIST qui se rapporte à des structures et techniques de programmation de drones, et qu’un nouveau client devait me solliciter au sujet d’une technologie similaire, je devrais décliner sa demande. Tout en maintenant cette technologie similaire strictement confidentielle vis-à-vis du LIST et de toute autre personne, bien entendu, au titre de mon obligation déontologique de stricte confidentialité.