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Alexandra Uppman : rencontre avec l'artiste

Julien Brun / Publié le 13:48 12.07.2022


Etymologiquement, le mot entreprendre « inter prehendere » signifie saisir avec la main mais également prendre un risque. Cette double intention n’est pas exclusivement réservée au domaine économique mais peut également se retrouver dans bien d’autres domaines, et notamment dans l’art. Chez l’artiste Alexandra Uppman (www.alexandrauppman.com), tout commence par l’idée ; « 1000 idées pour 10% de réalisations » confie-t-elle. Des graines plantées au gré des voyages, des concerts, des promenades en forêt ; des formes ou des sons qui provoquent une sensation intime. Le choix se fait alors en fonction de l’agenda des expositions à venir, des moyens financiers mais également des idées obsédantes qui persistent. Tour d’horizon !

Alexandra Uppman est une artiste visuelle, basée au Luxembourg. Ses œuvres font appel à des pratiques et matériaux variés et déploient sur papier ou en fresque une rigoureuse technique pointilliste, auxquelles s’ajoutent parfois des étoffes réalisées par l’artiste. Son travail d’installation donne lieu à des fresques de grande taille, environnements immersifs en tension avec des éléments d’artisanat, œuvres sur papier ou objets convoqués. Alexandra Uppman entretient une relation particulière avec les territoires et cultures nordiques, dont les origines familiales issues de minorités suédophones de Finlande (Finlandssvensk) chargent son travail d’un ordre symbolique et culturel conflictuel. Une connexion particulière au territoire réactualise des éléments diasporiques tels que le Heimat dans la pratique graphique de l’artiste, qui incorpore des aspects de l’esthétique black metal à des paysages forestiers teintés de mélancolie. Le processus de condensation à l’œuvre dans ses dessins émane d’une reconstruction graphique intuitive à partir d’éléments isolés signifiants contre un fond neutre et minimal. Conifères, souches d’arbres, autant d’éléments du paysage mis à nu devant un fond vide ou enneigé, fonctionnent comme un vocabulaire extrait de la rigoureuse flore nordique. Le processus d’exemplification à l’œuvre chez Alexandra Uppman trouve son origine dans une mémoire des formes, une intimité avec la nature, offrant à l’objet dépeint une lente et attentive reconstitution.

La technique de dessin d’Uppman emploie des outils résolument modernes : marqueurs acryliques et mines fines, contrastant d’autant plus avec l’esthétique de gravure que ses sujets habituellement impliquent. En résulte des contrastes profonds et absorbants, au grain et rendus si particuliers. Sa technique pointilliste manifeste une grande liberté, qui tout en sollicitant de longues périodes de travail, recouvre un aspect méditatif dans la formulation de détails complexes. Cette minutieuse description peut parfois rappeler l’illustration botanique, registre avec lequel le marqueur tranche radicalement pour trouver des échos plus contemporains avec le tatouage, par exemple. Enfin, la musique est rarement étrangère au travail d’Alexandra Uppman, dont les paysages désolés et évocateurs appellent une composante essentiellement sonore. On peut s’imaginer les longues sessions de dessin sur fond de drones envoûtants, des larsens et textures sonores rugueuses baignant ses formats médaillons aux paysages plus sombres et composés, simple veste en cuir présentée et feux de joie du solstice d’été. Une dimension sonique traverse l’œuvre comme ensemble culturel. En adressant les considérations mélancoliques et écologiques amères du black metal des années 90, Uppman parvient dans le même temps à se départir des connotations masculines et nationalistes du genre. Seulement alors son approche démêle ces influences et instille une esthétique alternative et personnelle à ces paysages et objets. Au regard de son héritage complexe, le travail d’Alexandra Uppman est teinté d’une profonde attention pour une culture familiale qui lui est à la fois étrangère et intime.

Démarche artistique

La notion de «Heimat» se place comme fil narratif de la pratique d’Alexandra Uppman. Il s’agit d’un terme allemand désignant le sentiment d’appartenance à un endroit physique ou émotionnel («home», en anglais). À travers la Suède, la Finlande et le Luxembourg, Alexandra crée un lien à ses origines multiples par le biais d’une nature commune : une force nordique sans frontières, devenue l’une des sources graphiques essentielles de son travail. Alexandra passe par un processus graphique minutieux et méditatif où le geste lui permet de traiter l’identité par une introspection en profondeur. Ses médiums de prédilection sont le dessin, la peinture et l’installation. L’artiste, née au Luxembourg de parents finlandais parlant suédois, voit naître sa sensibilité artistique à travers sa relation conflictuelle au concept de nationalité. C’est un conflit qu’elle explorera pour la première fois en 2017 à travers son mémoire «Metal Heimat, une analyse de la culture métal comme créatrice de lien et de territoire commun».