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Une main de fer dans un gant de velours

Laurent / Publié le 16:53 12.07.2022


GERI MANAGEMENT SA (GM) conseille et assiste les maîtres d'ouvrage et les sociétés, en particulier les travailleurs désignés dans l'organisation et la mise en place d'un système de management de la sécurité et de la santé au travail. Angéline Prévot, l’une des pionnières en matière de sécurité au travail, est l’actuelle directrice. Rencontre avec cette cheffe d’entreprise, passionnée par son métier.

GM, c’est un peu votre bébé. Pourquoi a-t-on cette impression que vous ne formez “qu’un” avec votre société?

C’est flatteur, merci! Je dois avouer que j’aime mon job, c’est ma vie. J’attache une grande importance à divers aspects, comme l’ambiance au travail, le professionnalisme, l'efficacité et le bien-être au travail, la réactivité du personnel ou encore la bienveillance sont quelques côtés de ma personnalité. Le personnel doit adopter ces principes. C’est ensemble que nous progresserons. En ce sens, je tente de recruter des collaborateurs qui correspondent à ce profil. Je pousse aussi les employés à être proactifs, à s’intéresser à tout et à mieux comprendre certaines choses. La curiosité fait évoluer une personne. Et lorsqu’on évolue, on aime ce que l’on fait. J’espère d’ailleurs que chacun ici prend son pied en exerçant ce métier (rires).

Le fait d’avoir déménagé en mars dernier a-t-il renforcé cet état d’esprit?

Oui, assurément. Nous n’étions pas loin, à quelques centaines de mètres seulement de notre nouvel emplacement (NDLR: à Niederkorn, dans le bâtiment COS de la zone d’activités Gadderscheier, au 2ème étage). Les bureaux étaient devenus trop petits et inadaptés. Ici, les collaborateurs ont plus d’espace et la communication est meilleure. Ce nouvel environnement a vite été adopté par tout le monde.

Il vaut mieux, car votre métier n’est pas toujours facile…

Exact! Et la crise n’a rien arrangé à la situation. On sent vraiment une différence entre la période d’avant covid et aujourd’hui, avec la crise ukrainienne qui s’est installée. D’abord au niveau de la cadence de travail. Ce qui amène finalement plus de stress pour tout le monde. C’est à ce moment que grâce à mon expérience, j’essaye de relativiser et de prendre la situation avec sérénité. Notre métier est de faire de la prévention, de diminuer et limiter les accidents de travail. Le risque zéro n’étant pas possible, il faut donc être un peu pédagogue, un peu psychologue et bonne communicante. Être une main de fer dans un gant de velours. Et parfois, les habitudes ont bon dos. On entend encore trop souvent des gens dire: “pas de danger, cela fait 20 ans que je travaille ainsi, il ne m’est jamais rien arrivé.” Cette phrase est affligeante, car personne ne peut être sûr qu’il ne lui arrivera jamais rien sur un chantier.

Et que diriez-vous à cette personne, dans ce cas-ci?

“As-tu de la famille? Si tu veux la revoir ce soir, il vaut mieux que tu descendes de cette échelle et faire comme ça, que tu mettes un casque, des gants de protection, que tu lises ces consignes, etc. Bref, leur rappeler qu’il est inutile de prendre des risques, en jouant sur la peur, si je puis dire. Et si ça ne suffit pas, on réalise des campagnes de prévention et de sensibilisation.

Par exemple?

Avec des images choquantes, qui agissent sur l’esprit. Comme durant l’automne dernier, nous avons lancé une campagne au moment d’Halloween. Sur les illustrations, on avait simulé “la mort au travail”. On y voyait notamment un ouvrier ensanglanté tombé d’une échelle, une infirmière se tenant à ses côtés et tentant de le réanimer. Derrière eux, la Mort (le squelette, cape noire) qui l’attendait. Choquant et efficace! Notre objectif était gagné car sur le terrain, on a ensuite senti que le personnel avait été touché par cette campagne. Et si ça ne suffit pas, je leur rappelle parfois qu’être confronté à un décès sur un chantier peut arriver à n’importe qui. Quand ça vous tombe dessus, c’est très difficile à encaisser et à accepter. C’est un choc. Je ne souhaiterais à personne de vivre pareille situation.

Avec l'augmentation des chantiers et le retard accumulé, n'est ce pas encore plus dur?

Ce n’est en tout cas pas toujours simple, en effet. Tout dépend du type de chantier, des personnes avec lesquelles on travaille, de la taille de l’entreprise, si elle a un conseiller sécurité chantier ou travailleur désigné. Il est clair que plus la charge de travail est importante, plus le danger est présent. D’une manière générale, les entreprises sont bien conscientes de cet aspect sécuritaire, mais ne disposent pas toutes de moyens appropriés pour assurer la protection de leurs travailleurs. Par manque de formation, mais aussi faute de budget. Il y a quand même beaucoup de contrôles qui sont effectués chaque année par les organismes de la santé/sécurité. L’Inspection du Travail et des Mines (ITM) est notamment très active. De notre côté, nous visitons régulièrement nos chantiers. La fréquence de passage dépend de la taille dudit chantier. Il n’y a pas de règles. Si on doit y passer cinq fois par semaine, on ira.

Chez GM, vous avez aussi été pionnier dans la manière d’aborder le sujet de la sécurité au travail. Expliquez-nous ce qui a été fait.

En pratique, deux mondes se croisent. On trouve le pilote OPC: un professionnel du bâtiment dont le rôle consiste à ordonnancer et coordonner les actions des différents professionnels du bâtiment dans le cadre d’un projet de construction. Généralement il a une vision globale, mais souvent trop “droit devant lui”. Son unique but est de terminer le chantier, le plus vite possible, sans trop regarder le reste. A l’inverse, le conseiller sécurité va avoir des yeux dans le dos, regarder à 180 degrés. Chez GM, nous avons aussi des pilotes OPC au sein de notre groupe (GMProject). Afin d’améliorer leur performance et leur connaissance en matière de sécurité, et donc changer leur manière de voir les choses sur un chantier, nous les obligeons à travailler ensemble. On les a donc rassemblés au bureau. Ils apprennent chacun le rôle de l'autre. On constate que c’est un apprentissage qui n’est pas si naturel que ça. Chacun a sa vision des choses, mais les résultats sur le terrain se voient. Petit à petit, les mentalités évoluent et nous sommes satisfaits d’avoir opté pour cette méthode de travail.