Politique & Collectivités

L’AIS, au service d’une nécessité sociale

Laurent / Publié le 17:12 12.07.2022


L’Agence Immobilière Sociale est un département de la Fondation pour l’accès au logement (FAL). Elle gère, pour le compte des propriétaires, des logements à destination de personnes en difficulté, exposées à la précarité, la pauvreté et l’exclusion. Née d’une nécessité sociale, la FAL œuvre aussi à l’accompagnement de ces populations les plus vulnérables. “Force est néanmoins de constater que la problématique s’est désormais élargie à des personnes actives sur le marché du travail et même parfois aux classes moyennes”, explique son Directeur, Gilles Hempel.

AIS - Gilles Hempel

On parle de personnes en situation précaire. Qu’est-ce que cela signifie ?

La condition pour obtenir notre aide est basée sur «la détresse logement». Concrètement, cela peut être un surpeuplement du logement occupé, une insalubrité, des violences conjugales ou un logement provisoire en foyer. Ces personnes sont, pour la plupart, contraintes de vivre dans de mauvaises conditions, et sont donc également dans l’impossibilité économique et psychologique de résoudre d’autres problèmes. Nous recherchons et mettons à leur disposition des logements adéquats et adaptés à la composition de ménage. C’est parce que nous sommes un instrument de lutte contre l’exclusion sociale, que nous avons été reconnus d’utilité publique. Et dans le contexte actuel, avec les prix des biens immobiliers qui ont augmenté, c’est fatalement de plus en plus dur pour les ménages.

Est-ce que tout le monde peut bénéficier de vos services ?

Nous avons une procédure à respecter. Il y a au préalable des enquêtes, des rencontres, des discussions entre le bénéficiaire en question, les services sociaux qui l’accompagnent et l’AIS. Si la personne remplit les conditions, on lui fournit un logement décent, avec un loyer inférieur au prix du marché. Bien évidemment, les demandes motivées uniquement par un loyer jugé trop cher ne sont pas acceptées.

Comment faire pour introduire une demande auprès de l'AIS ?

Il faut s’adresser à un service social qui vous connaît déjà ou qui va s'intéresser à votre situation. C’est lui qui va introduire la demande en votre nom. Vous ne pouvez pas l’introduire par vous-même. Si aucun service social ne s'occupe de vous sur le moment, vous pouvez alors vous adresser à l'Office social de votre commune.

Quels sont les autres critères pour bénéficier d’un logement à loyer modéré ?

Ne pas être propriétaire d’un bien immobilier, ni au Luxembourg ni à l’étranger, disposer d’un titre de séjour en règle et être affilié à une caisse de maladie. Vous devez également vous engager à bénéficier d’un accompagnement social adapté et à collaborer activement au projet d’inclusion sociale par le logement (PISL) mis en place de commun accord.

Pourquoi l’AIS s’intéresse-t-elle aussi à la réinsertion professionnelle de ses bénéficiaires ?

Le logement, c’est la base pour obtenir un travail. Sans de bonnes conditions de vie, il est difficile d’arriver à un bon équilibre. C’est pourquoi l’AIS et le bénéficiaire concluent un contrat. En collaboration avec les offices et services sociaux du pays, ces logements sont mis à disposition pendant une période déterminée, dans le but de mettre en place des projets d’inclusion sociale. L’objectif n’est donc pas seulement de donner aux bénéficiaires un logement à bas prix, mais aussi et surtout de leur permettre, à moyen terme, d’accéder en parfaite autonomie au marché immobilier classique. Pour ce faire, l’AIS cherche à résoudre les problèmes rencontrés par ses bénéficiaires. Nous essayons alors de répondre à un ou plusieurs objectifs, comme permettre l’accès à des formations avant une remise au travail fixe, établir un plan de remboursement afin de régler des dettes, réaliser un suivi psychologique suite à des traumatismes subis, mettre en place un plan d’épargne pour constituer une source d’argent suffisante de manière à constituer un apport en vue de l’acquisition d’un logement futur, etc.

Et comment se passe le suivi ?

Idéalement, le but est que ces bénéficiaires deviennent autonomes dans un délai de 3 à 5 ans. Parfois, cela prend plus de temps. Cela dépend de la personne et de son implication. Tous les 3 mois, donc 4 fois par an, nous rencontrons le bénéficiaire et voyons ensemble son évolution.

Et si cela ne fonctionne pas ?

C’est bien heureusement assez rare mais cela peut arriver. Dans la grande majorité des cas, on arrive à rattraper la situation en offrant un suivi plus intense. Avec des intervenants spécialisés supplémentaires. Si le bénéficiaire ne montre plus aucune motivation ou refuse de collaborer avec nos travailleurs sociaux, nous sommes contraints de terminer ce contrat. On lui explique alors que l’AIS n’est pas l’encadrement le plus judicieux le concernant et le redirige vers une autre structure plus adaptée.

En 2010, l'AIS a logé 174 personnes dans des conditions décentes. Et environ 600 dossiers étaient sur la table. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Nous disposons aujourd’hui de 615 logements et avons démarré dernièrement plusieurs projets de construction, grâce à Abitatio, notre département en charge de la promotion immobilière. La liste d’attente comprend actuellement plus de 1 200 ménages. Une croissance qui était attendue et qui ne me tracasse pas encore. Nous voulons grandir sainement. Notre activité requiert des rencontres, des enquêtes et du temps. Bref, tout cela demande des moyens importants. Notre objectif est de fournir une prestation de qualité. Pour l’heure, 50% des bénéficiaires ont pu, à l’issue de leur passage chez l’AIS, louer un bien à un propriétaire privé, 20% ont trouvé un logement social à long terme et 10% sont devenus propriétaires. En résumé, ces chiffres nous confortent dans notre démarche. L’AIS joue pleinement son rôle d’intégrateur social.v

Y a-t-il suffisamment de biens (logements ou terrains) disponibles ?

Pour notre propre activité, oui. Nous estimons qu’il y a entre 10 000 et 20 000 logements inoccupés au Luxembourg. C’est énorme puisque cela équivaut à notre potentiel au niveau de l’AIS. D’ailleurs, avec Abitatio, notre promoteur social, nous collaborons avec les communes qui nous mettent à disposition des terrains. Sur le marché privé la situation est par contre très difficile. De plus en plus de gens n’arrivent plus à se loger au Luxembourg et sont obligés de quitter le pays pour s’installer à la frontière belge, française ou allemande. Les prix ont littéralement flambé ces dernières années. Si le Luxembourg dispose de presque 3 000 ha de terrains constructibles, la majorité d’entre eux appartiennent à des privés qui ne veulent pas les céder rapidement. Ils préfèrent les conserver et obtenir, au fil du temps, une belle plus-value.

Quelles solutions prenez-vous pour améliorer la situation ?

Il faut que les propriétaires soient sensibilisés et se montrent plus solidaires vis-à-vis des personnes qui n’ont pas la chance d’obtenir un terrain ou un logement. Sans quoi, c’est à l’État de les contraindre par la loi en imposant des taxes ou amendes. Mais cela fait des années qu’on en parle et on ne voit toujours rien venir…

Pourquoi cela ne bouge-t-il pas plus ?

L’autonomie communale est un problème dans la mesure où l’Etat ne peut obliger une commune à construire “x” logements sociaux, contrairement à ce qui se passe en France ou en Belgique. De fait, cela dépend de la volonté desdites communes. Et puisque la plupart des députés sont aussi bourgmestres, il y a peu de chances pour qu’ils votent en faveur d’un changement de Constitution qui réduirait leur autonomie. Pourtant, des mesures existent pour inciter particuliers et administrations communales à louer des logements inoccupés ou construire des logements sociaux.

Vous parlez des incitants. Quelles sont les garanties que l’AIS offre aux propriétaires ?

Afin de pouvoir offrir des logements bon marché, l’AIS offre en contrepartie aux propriétaires des garanties particulièrement intéressantes comme la gestion de l’entretien ou encore la mise à disponibilité rapide de leur bien. En collaborant avec l’AIS, le propriétaire réalise non seulement un acte social et philanthropique, mais il bénéficie également de nombreux avantages. La garantie du loyer d’abord. Le bail est signé avec nous, et non pas avec l’occupant. Nous pouvons ainsi garantir le paiement du loyer sans faute tous les mois et même en cas de non-occupation. Ensuite, la gestion de l’entretien et de la remise en état du bien. Nous disposons de notre propre équipe technique, ce qui nous permet d’assurer aussi bien le contrôle que l’entretien régulier du bien en question. Nous pouvons nous charger de la remise en état avant la première occupation. Enfin, le bien reste disponible à tout instant pour le propriétaire et sa famille. En cas de besoin personnel, il peut être récupéré dans un délai de 3 à 6 mois. Les occupants de ce bien seront relogés par nos soins. On peut aussi ajouter qu’au niveau fiscal, il y a une exonération d’impôts de 50 % sur les revenus locatifs.

Quel est l’avenir de l’AIS ?

On se dirige vers des locations à durée indéterminée avec le concours de notre promoteur social interne. Abitatio est chargé de la construction de logements à destination des bénéficiaires de l’AIS qui ont accompli leur projet d’inclusion sociale, mais qui, malgré tous leurs efforts, ne parviennent pas à trouver un logement sur le marché immobilier luxembourgeois, de plus en plus restreint et de moins en moins accessible. Contrairement aux logements proposés par l’AIS qui constituent des solutions provisoires, ceux développés par Abitatio sont mis indéfiniment à disposition d’une certaine catégorie de bénéficiaires. Nous recherchons alors des terrains auprès des communes qui n’ont pas les moyens logistiques suffisants pour réaliser elles-mêmes des projets de construction de logements à coûts modérés. C’est une solution avantageuse pour créer des logements sociaux abordables sans avoir à gérer les impacts financiers. Après que la commune a choisi de vendre ou de céder en emphytéose son terrain, Abitatio réalise le projet et s’occupe de sa gestion administrative et technique. Il continue ensuite son rôle social, via du personnel social présent sur les lieux, en veillant à une bonne mixité sociale, en favorisant le vivre ensemble et en intervenant rapidement en cas de besoin. Nous pensons également depuis quelques années à l’idée de construire des maisons modulaires sur des terrains privés loués, afin de créer rapidement du logement abordable.