Développement durable

Une crise sans fin

Laurent / Publié le 12:12 04.08.2022


Acheter un bien immobilier au Luxembourg est très coûteux, mais ce n’est pas non plus impossible, comme on peut le lire ailleurs dans ce magazine. Et pour certains Luxembourgeois qui veulent devenir propriétaires, il reste la solution étrangère. Mais la crise du logement est bien réelle. Quelles sont les solutions pour remédier à cette situation? La réponse n’est pas évidente…

Une crise sans fin

Cela fait plusieurs années que les résidents luxembourgeois, notamment ceux du sud du pays, traversent la frontière pour s’installer en Belgique. Et ce n’est plus une tendance, c’est devenu une obligation pour certains. Car là-bas, le prix des maisons, appartements ou terrains est plus attractif. Un exemple dans la région d’Arlon. “Prenons un appartement de 55m2. Le prix moyen tourne autour des 3 300 euros/m2. Si on prend une taille de 85m2, on a un tarif à 3 100 euros/m2. Pour un bien de 130m2, on tourne aux environs de 3 000 euros/m2”, explique Michael Weiler, le gérant de Double V Immobilière SPRL à Arlon. Ces prix indicatifs montrent clairement la différence avec des communes grand-ducales. “Les Luxembourgeois, c’est une visite sur quatre pour acquérir un bien dans la région”, ajoute notre homme.

Conséquence? Les citoyens Belges, les moins aisés, doivent désormais parcourir une bonne cinquantaine de kilomètres s’ils veulent devenir propriétaires en dépensant le moins possible. “Il y a quelques années encore, ils se dirigeaient vers Etalle et Habay où les prix restaient corrects. Maintenant, il faut aller vers Neufchâteau et Léglise pour trouver des prix au m2 encore abordables. Soit environ 30 kilomètres plus loin.” Mais ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour le secteur frontalier de l’immobilier belge qui ne boude pas son plaisir. “On ne va pas cracher dans la soupe, en effet. Le GDL fait vivre énormément de familles et nous sommes bien contents de l’avoir. D’un point de vue démographique, on doit aussi penser au futur et ici, je n’ai pas d’inquiétude. Le chef-lieu de la Province de Luxembourg n’est pas en difficulté. Loin de là. Il accueille environ 250 nouveaux résidents chaque année. Il y a donc largement de quoi faire en matière de logement sur Arlon”, dit-il encore. La situation est similaire en France, avec les communes frontalières.

Côté Grand-Ducal, la Fondation Idea vient de réaliser un recueil traitant de la problématique du logement. Citons notamment quelques extraits: “S’agissant du prétendu exode vers la Grande Région, s’il est vrai que 2 308 résidents de nationalité luxembourgeoise sont allés s’établir dans les régions frontalières des trois pays voisins du Luxembourg, entre décembre 2019 et décembre 2020, et que 10 000 frontaliers de nationalité luxembourgeoise résident en Allemagne, en Belgique ou en France, près de 21 000 étrangers sont venus s’installer au Luxembourg pour la seule année 2020. La réalité est donc davantage celle d’un Luxembourg attractif que celle d’un Grand-Duché impayable qui se viderait. On est donc loin de la catastrophe annoncée par certains. On apprend aussi qu’un appartement de 100 m2 valait 4 années de salaire moyen en 1990, 7 en 2010 et plus de 11 en 2021. Il y a donc indéniablement eu une importante détérioration du pouvoir d’achat immobilier au Luxembourg. Créer un choc de construction est souvent présenté comme étant la solution qui permettra mécaniquement de stabiliser, voire de réduire, le prix de l'habitat. Mais le marché immobilier étant un marché particulier, le lien économique traditionnel qui veut qu’une augmentation de l’offre cause une modération du prix y est moins automatique qu’ailleurs. Une situation où seraient donc construits de plus en plus de logements qui coûteraient de plus en plus cher est ainsi tout à fait possible. Ce recueil traite d’un ensemble de questions brûlantes - autonomie communale, démocratie de propriétaires, évolution des taux d’intérêt, croissance du nombre de ménages, interventions des pouvoirs publics en faveur des investisseurs immobiliers, etc. - dont la compréhension est nécessaire pour appréhender la crise du logement sans cesse évoquée au Luxembourg. Aussi, il contient une série de propositions qui constituent une invitation à renouveler la politique du logement, qui en l’état actuel n’est pas toujours à la hauteur des enjeux en présence et à venir.”

En conclusion, le (nécessaire) renouveau de la politique du logement du Luxembourg suppose de dépasser certaines contradictions, d’admettre que les performances du passé sont loin d’être aussi catastrophiques que souvent évoquées et de reconnaître, après une décennie de crédit bon marché qui semble toucher à sa fin, que le plus dur (pour certains ménages et en termes de défis à résoudre par la politique du logement) est peut-être à venir*.

*SOURCE : https://www.fondation-idea.lu