Développement durable

Soler, leader de l’éolien au Luxembourg

Laurent / Publié le 06:49 20.09.2022 | 05 min


La société Soler s’occupe du développement de projets, de la planification, de la construction et de l’exploitation d’installations de production d’énergie à partir de sources d’énergies renouvelables. Plusieurs projets de modernisation ou de « repowering » sont actuellement en cours. Rencontre avec Paul Zeimet et Guy Uhres, respectivement administrateur délégué et responsable des énergies renouvelables chez Soler.

Paul Zeimet et Guy Uhres

Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre société?

PZ: En plus d’exploiter des centrales hydroélectriques à Esch-sur-Sûre, Rosport et Ettelbruck, Soler est à l’origine de la création de huit parcs éoliens au Luxembourg depuis 2011 (31 éoliennes à l’heure actuelle). D’ici fin 2022, dix parcs seront opérationnels et le nombre d’éoliennes sera porté à 38. Soler représente environ 70% de l’éolien dans le pays. En matière de développement de projets et de production d’énergie renouvelable, l’énergie éolienne présente actuellement le plus grand potentiel.

Quelle est la durée de vie des éoliennes?

GU: Environ une vingtaine d’années. Lorsque les anciennes éoliennes ne peuvent plus être réutilisées, notamment dans des pays ayant des réseaux électriques moins puissants, la priorité va au recyclage. Les métaux (acier, cuivre, fonte, aluminium) sont entièrement recyclés, les matériaux composites sont pris en charge par des filières spécialisées dans le cadre d'une valorisation thermique ou énergétique. Les conditions climatiques et l'implantation géographique influent sur la durée de vie d'une éolienne. Évidemment très exposée, une éolienne subit les assauts des éléments. Les matériaux et pièces qui la composent s'usent, comme le rotor, ou s'érodent, comme les pales.

Au Luxembourg, quels sont les objectifs fixés par l’Union européenne en matière d’énergies renouvelables?

PZ: Rappelons qu’en 2010, le Luxembourg avait fixé un National Renewable Energy Action Plan (NREAP), avec l’objectif pour 2020 de produire 239 GWh à partir de l’énergie éolien. L'objectif a été atteint, même dépassé, et dans la mesure où Soler a produit environ 206 GWh sur les 239 en question, nous avons fortement contribué à ce résultat. En 2020, le Plan National intégré d'Énergie et de Climat (PNEC) a été adopté par le Gouvernement: d’ici 2030, il faudra atteindre une production de 674 GWh et 1.166 GWh en 2040. Nous sommes très optimistes et comptons atteindre les objectifs fixés à 2030, bien avant. Déjà en 2025. On prévoit que Soler produira environ 500 GWh sur les 674 GWh en question.

Doit-on dès lors s’attendre à voir pousser beaucoup de parcs éoliens d’ici quelques années?

PZ: Mettons les choses au point: des terrains, il y en a assez pour installer davantage d’éoliennes, mais doubler la production d’ici 2030 ne signifie pas qu’on va aussi multiplier par deux le nombre d’éoliennes au Luxembourg. Restons mesurés dans les projets et faisons en fonction des normes en vigueur, en harmonie avec la nature et la population. Surtout, n’oublions pas les avancées technologiques qui nous permettent aujourd’hui d’être plus performants en matière de production et d’exploitation, notamment grâce au repowering.

“Des terrains, il y en a assez pour installer davantage d’éoliennes, mais doubler la production d’ici 2030 ne signifie pas qu’on va aussi doubler le nombre d’éoliennes au Luxembourg”

Qu’est ce que le repowering?

GU: Le repowering d'un parc éolien consiste à remplacer les anciennes éoliennes, généralement plus petites, par des turbines ou ensembles mât/turbines/pales de conceptions plus récentes, plus grandes et d’un meilleur rendement (x2 ou x4 selon le type de modèle). Les innovations dans la technologie éolienne ont abouti à des éoliennes beaucoup plus puissantes, plus silencieuses et s'usant moins par rapport aux modèles précédents. Ce type de mise à niveau en taille/puissance/efficacité augmente la quantité d'électricité produite d'un parc éolien donné. Elle peut nécessiter d'adapter la capacité du réseau électrique pour absorber et transporter cette électricité. Le parc éolien Windpower S.A. dans la commune de Rosport-Mompach est un bel exemple: nous avons remplacé quatre éoliennes d'ancienne génération par une seule de nouvelle génération, qui produit presque trois fois plus. Quel progrès!

Comment se passe le démontage d’une éolienne?

PZ: On doit tout enlever sur le site pour le remettre dans son état naturel. C’est ce qui est imposé par la réglementation. Or, le pourcentage de recyclage des différents matériaux est proche de 100%. De plus, comme la nouvelle génération propose des éoliennes plus grandes et plus performantes, les anciennes infrastructures ne sont plus adaptées et ne peuvent donc pas être réutilisées. Par contre, et c’est le principal avantage au niveau financier, toute la câblerie existante va pouvoir être utilisée. Les pales sont en matériaux composites et sont recyclées en Allemagne. Finalement, avant d’installer une nouvelle éolienne, une étude environnementale doit être réalisée et les autorisations d’exploitation et relative à la protection de la nature ainsi que l’autorisation de bâtir doivent être introduites.

Quelle est votre plus grande contrainte dans ce processus?

GU: Le temps qu’il peut prendre. Mais nous avons gagné de l’expérience au fil des projets et nous en tenons compte dans l’élaboration de notre business model.

Comment définir une éolienne de nouvelle génération?

GU: Les éoliennes de dernière génération sont encore plus grandes et performantes : le rotor fait 138 mètres de diamètre, comparé à 82 mètres en 2012. Elles peuvent produire de l’électricité pour 2.200 ménages (un ménage = quatre personnes). Même des rotors pouvant atteindre 175 mètres sont prévus dans le futur. La technologie est donc en constante évolution.

On parlait de réchauffement climatique et de sécheresse cet été. Avec quelle conséquence pour les parcs éoliens?

PZ: Nous n’avons pas vraiment senti d’effets quant à la production d’énergie. Pour nous, moins de vent en certaines périodes n’est pas un souci, car les nouvelles éoliennes tournent également avec moins de vent. Ce qui signifie aussi qu’aujourd’hui nous pouvons envisager l’installation de parcs dans des régions moins venteuses. Avant, pratiquement tout était construit dans le nord du pays, principalement sur les plateaux. Ça peut changer avec la nouvelle génération de turbine.

Comment se passent les relations avec les citoyens?

PZ: D’une manière générale, entre la phase des analyses préliminaires et les études détaillées, des séances d'information sont organisées pour répondre aux questions des gens. A l’issue de celles-ci, ils sont souvent rassurés sur beaucoup de sujets. On constate aussi que la population connaît mieux le fonctionnement des éoliennes qu'auparavant. Le principe du repowering n’est pas nouveau et ne fait plus peur. Les mentalités changent avec l’écologie qui prend de plus en plus d’importance partout en Europe. Les personnes de contact du Pacte Climat n’hésitent pas à nous contacter pour un échange sur la possibilité d’un projet sur leur territoire.

Au vu des développements internationaux, peut-on craindre une pénurie d'électricité cet hiver au GDL?

PZ: En général, il y a toujours un certain risque concernant l’approvisionnement. Vu la situation actuelle, ce risque pourrait être effectivement plus élevé qu’auparavant. Une campagne de sensibilisation va d’ailleurs démarrer à la rentrée, histoire de savoir comment les citoyens et les entreprises peuvent économiser l’énergie à leur niveau. Économiser de l’électricité est devenu un élément primordial de la sécurité d’approvisionnement de cet hiver. Et pour le futur, chaque projet éolien et chaque nouvelle centrale solaire nous aidera à devenir moins indépendants des importations d’électricité et en général d’énergies fossiles. Soler = energy from Luxembourg !