Politique & Collectivités

Conclusions de l'étude sur la réduction du temps de travail

Julien Brun / Publié le 13:45 03.05.2023


Les résultats de l'étude "État des lieux des enjeux et des risques de la réduction du temps de travail" ont été présentés par les chercheurs du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER), ceci en présence du ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Économie sociale et solidaire, Georges Engel.

Dans son rapport, le LISER explique que "l'analyse de la littérature témoigne d'un effet ambigu de la RTT dans tous les domaines étudiés" et qu'"il est difficile d'apporter une réponse tranchée sur les effets d’une RTT." L'étude représente une analyse scientifique qui examine entre autres, la situation dans les pays voisins du Luxembourg. Force est de constater qu'avec 1.701 heures de travail en moyenne par an, les salariés luxembourgeois travaillent plus que leurs collègues allemands, français et belges mais restent dans la moyenne de l’Union européenne.

Il ressort également de l'étude qu'environ un résident sur deux qui travaille à temps plein voudrait travailler moins de 40 heures par semaine si son taux de salaire horaire était maintenu. Si les frontaliers sont ceux qui souhaitent le plus vouloir travailler moins, plusieurs facteurs doivent néanmoins être réunis afin que la RTT aie un réel impact sur la qualité de vie. Car dans les pays voisins, dans certains cas, la RTT a été suivi d'une augmentation significative des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires sont actuellement le dispositif d'aménagement du temps de travail le plus utilisé par les entreprises luxembourgeoises et la pénurie actuelle de main-d'œuvre sur le marché du travail luxembourgeois, en limitant les possibilités de partage du travail, risque d'accroître le recours aux heures supplémentaires si la RTT ne s'accompagne pas de gains de productivité. Le télétravail, le cumul d'un second emploi, l'intensification de la charge de travail, sont autant de risques à ce que la RTT ne s'accorde pas avec une meilleure qualité de vie.

Le travail à temps partiel est moins répandu au Luxembourg (18%) que dans l’ensemble de l’Union européenne (26%). La part de salariés travaillant à temps partiel au Luxembourg est moins élevée qu’en Allemagne (37%) et en Belgique (42%) et identique à celle observée en France.

En conclusion, l'étude du LISER a souligné les effets ambigus d’une réforme visant une réduction de la durée légale hebdomadaire du temps de travail sur tous les aspects étudiés : la conciliation, le bien-être et la santé des travailleurs ; l’emploi et le chômage ; la productivité et la compétitivité. Il a montré que certaines conditions doivent être remplies pour qu’une RTT puisse répondre aux objectifs recherchés. Il a également mis en lumière d'une part, que les besoins et les desiderata des salariés en matière de RTT varient en fonction du type d'emploi, de l'environnement de travail et de l'étape dans la carrière. D'autre part, les répercussions d'une RTT pourraient fortement varier selon les entreprises (secteur, branche, taille). Ces deux dimensions ouvrent la question de la flexibilisation d'une RTT. Enfin le rapport a décrit le difficile sujet du financement d’une réforme visant une réduction légale de la durée hebdomadaire du temps de travail.

Il ressort que, pour construire une RTT, il convient d’en asseoir clairement les objectifs et les modalités d’application. Des études qui dressent un vrai bilan sur le long terme d’une réforme visant une réduction légale de la durée hebdomadaire du temps de travail restent à faire. Des analyses coûts/bénéfices plus complètes pour la société dans son ensemble sont nécessaires, en prenant en compte les spécificités du marché du travail et de la société luxembourgeoise. A l'ère des "evidence-based policies", la mise en place d'analyses prévisionnelles de microsimulations pourraient éclairer la prise de décisions sur base d'une évaluation rigoureuse de l'impact potentiel d'une RTT au Luxembourg en prenant en compte différents aspects et scénarios. Une enquête auprès des travailleurs, des demandeurs d'emploi et des entreprises au Luxembourg permettrait également d'apprendre plus sur leurs besoins et aspirations vis-à-vis de la RTT.

Le ministre Georges Engel a souligné que l'étude devrait servir de base pour des discussions futures et que la question du temps de travail avec tous ces effets est une question de politique sociale et sociétale.